en passant Time to tell the truth (4)

Lors de mes précédents articles, j’ai montré la phase de séduction, là où l’emprise se créée, puis la phase où tout commence légèrement à craqueler, sans que l’on s’en rende vraiment compte. Cette période étrange où l’amour est toujours aussi fort, mais que l’on sent qu’on ne peut plus vraiment être soi-même car l’être aimé vous fait souvent des remarques sur votre personnalité.

L’article d’aujourd’hui marque un tournant. À partir de maintenant, les premières grosses crises débutent. À partir de maintenant, c’est l’escalade de l’horreur et de ce que je vais être capable d’endurer et d’encaisser pendant plusieurs années.

Nous sommes le 21 Juin 2013, cela fait 11 mois que je suis avec Léon. Nous sortons avec notre bande d’amis pour fêter la fête de la musique en ville sur Lyon. On passe la soirée à se promener, à écouter tous les groupes dans les coins de rues. À un moment, les garçons évoquent l’envie de se caler dans un bar où ils passent du hard rock. Je marche devant avec les filles et aucune n’a l’air très emballée. L’ambiance est détente, tout le monde rigole et je dis aux garçons « oh non on va pas s’enfermer, si ? On peut continuer de se promener et aller se poser dans un parc tranquillement« . On ne m’oppose aucune résistance et mes amies sont contentes. Je passe une bonne soirée.

Léon et moi rentrons en bus et une fois à la maison il me lance « T’es contente d’avoir gâché la soirée de tout le monde ? » Je tombe des nues. Un peu éméchée j’essaie de rassembler mes esprits et je lui demande « Quoi ? »

_Bah oui, t’en as fait qu’à ta tête ! On pouvait rien faire.

_C’était pas mon intention, je…

_Je suis pas le seul à le penser ! Miguel (un ami qu’on avait en commun) était dégoûté aussi, j’ai bien vu les regards qu’il te lançait !

Je commence à perdre tous mes moyens. Je suis dans une totale incompréhension. Je lui demande pourquoi il ne me l’a pas dit sur le moment.

_Je voulais pas faire d’histoire devant tout le monde. T’as agit comme une égoïste. »

Ce qu’il me raconte est tellement éloigné de l’impression de la soirée que j’ai eu que j’éclate en sanglots. Je pense aux soi-disant regards de Miguel et j’ai honte. Je suis prise d’une culpabilité immense. Je me demande comment j’ai pu agir de la sorte sans me rendre compte que je gâchais la soirée de tout le monde. Je ne comprends rien à ce qu’il se passe.

Le temps passe et j’oublie cet incident.

L’été 2014 lorsque j’accompagne Léon chez ses grand parents à Toulon, je suis à la table du salon devant l’écran de mon ordinateur et je dessine en copiant un modèle à l’écran. L’ambiance est détendue, je me sens bien. Léon est à côté de moi, ses grands-parents sont assis sur le canapé non loin de nous. Nous allons bientôt faire notre rentrée pour notre deuxième année de fac. Léon veut faire des papiers pour finaliser notre inscription, il me demande mon ordinateur. « Maintenant ? » je lui demande. « Oui maintenant », il me répond. Je lui passe mon ordinateur en soufflant. Sans m’en rendre compte, je viens de faire quelque chose qui change totalement l’ambiance. L’expression du visage de Léon change notablement et il me chuchote d’un ton acerbe qui me fait froid dans le dos « C’est la dernière fois que tu agis comme ça devant mes grand-parents. Je te demande ton ordinateur pour faire des papiers pour nous, tu n’as pas à souffler comme ça. Tu es irrespectueuse. Ton dessin tu pourras le faire plus tard, là ce que je fais c’est important. Tu ne me manques plus de respect devant mes grands parents » Je ne me rappelle pas exactement de la suite, de tout ce qu’il m’a dit car je n’ai jamais retranscrit ce qui était arrivé nulle part, même pas dans mes journaux intimes. J’étais en état de choc. Je ne me souviens pas de tout ce qu’il m’a dit, je sais que son ton était d’une méchanceté terrible et que son changement d’attitude m’avait fait l’effet d’un piano qui me tombe dessus. Je n’ai rien compris à ce qu’il m’arrivait, j’avais soupiré comme ça, sans arrière pensée, sans y faire attention. Je sais qu’il m’a fait un long discours féroce sur mon attitude, me disant que j’étais capricieuse et je ne sais quoi encore. Sur le coup, je ne peux rien répondre, il ne me laisse pas en placer une et ses grands-parents sont à cotés, je ne veux pas faire d’histoire.

Son regard me terrifie et je vais au toilettes. Je m’enferme et je pleure de façon incontrôlée en chuchotant « il est fou, il est fou, il faut que je le quitte, il faut que je le quitte. J’ai rien fait, j’ai rien fait, il faut que je parte« .

Lorsqu’il me présente ses excuses, qu’il me dit qu’il a été dur parce qu’il a trop de responsabilités et que je dois comprendre tout ce qu’il fait pour nous, je choisis de le croire et je culpabilise de tout ce que je lui mets sur les épaules.

Après tout, ça arrive à tout le monde de perdre son sang froid. L’important, c’est de le reconnaître et Léon s’est bien excusé, non ?

Après Toulon, nous passons 4 jours chez ma tante à Sainte Maxime. Lors du départ, Léon prépare les sacs pour les mettre dans le coffre de la voiture. Il commence à préparer les plus petits sacs alors je lui conseille de d’abord mettre les gros pour ensuite empiler les petits par dessus. Il me coupe et me dit « non je fais comme ça. » En lui souriant, j’insiste en lui disant que c’est plus logique de mettre les gros d’abord. Ma tante acquiesce même à mon idée mais Léon s’obstine en me disant « c’est bon tu me laisses faire. » Ma tante me lance un regard d’incompréhension. Je ris pour essayer de détendre l’atmosphère et je rétorque « T’es con ou quoi on va pas mettre les trucs fragiles en dessous ! » Léon se crispe et descend les bagages.

Lorsque j’arrive en bas, il perd son sang froid et me dit « c’est la dernière fois que tu m’humilies comme ça devant ta tante. Je te le dis tout de suite, tu me traites pas de con moi. » J’ai l’impression que ses mots me gifle. Je réponds calmement que c’était une simple façon de parler, que je ne le pensais pas et que je voulais simplement l’aider. Il me sort son couplet sur l’irrespect et mon immaturité. Je me mets à pleurer, secouée par ce changement d’atmosphère si violent et le trajet de retour se fait dans le silence.

Plus tard cet été là, je suis au travail à l’usine comme tous mes étés pendant ma période de fac. Ce soir là, on s’est dit avec Léon qu’on se ferait un restaurant en amoureux. Je discute par message avec deux de mes amis pendant que je bosse et ils me mettent au courant que ce soir il y a une soirée spéciale où l’on passe nos musiques préférées. J’ai très envie de danser et je propose à mes amis d’y aller. Je propose l’idée à Léon en lui disant qu’on pourrait se faire un restau un autre jour ! Je suis enjouée, de bonne humeur, je danse à mon poste de travail avec mes écouteurs dans les oreilles. Dix minutes plus tard je reçois un énorme message sur mon téléphone. Léon m’a écrit un pavé en m’expliquant à quel point je suis irrespectueuse, qu’il attendait cette soirée avec impatience et que j’avais tout gâché, que je fais des choix égoïstes et que c’est toujours pareil. Le message était immense et assassin, je ne m’attendais pas du tout à une telle réaction. J’essaie de rattraper le coup en lui disant que c’était simplement une idée comme ça et que s’il veut à tout prix faire ce restaurant, il n’y pas de soucis. Il me répond que c’est trop tard, et il continue de me culpabiliser en m’envoyant plusieurs messages.

J’ai de plus en plus un complexe d’infériorité par rapport à Léon. Il a plus d’argent, le permis, une voiture, des meilleurs résultats, il prend tout en charge. J’ai souvent l’impression que je n’ai pas mon mot à dire. Au début, ce que j’avais aimé chez Léon, c’était sa manière de me comprendre comme dans un livre ouvert. Je me sentais enfin vue et comprise. Petit à petit, je n’ai plus pu me confier. Léon me dit que je suis trop irraisonnée, pas assez pragmatique comme lui, trop sensible. Il manie l’art du discours mieux que moi et je n’arrive jamais à exprimer ce que je ressens. Souvent, lorsque j’essaie de communiquer avec lui sur ce qui ne va pas dans notre couple, il me coupe, retourne les choses et je perds le fil. À chaque fois, à la fin de la conversation, j’en viens à oublier ce que je lui reprochais de base.

Fin 2014, Léon commence à utiliser sa phrase fétiche qui deviendra une habitude jusqu’à notre rupture « c’est toi qui me rend comme ça« . Si j’ai quelque chose à lui reprocher, il me répond toujours qu’il a agit de la sorte à cause de moi. Je suis jeune, je n’ai pas une haute estime de moi à l’époque, je n’ai connu que des relations toxiques, cette technique finit par fonctionner et je culpabilise à chaque fois.

Quand je prends mon courage à deux mains et que j’essaie de lui dire que son attitude me fait du mal, il se met sur la défensive. Je deviens son ennemie. On ne peut pas avoir de discution posée, il faut forcément s’opposer et se disputer. Je lui dis qu’on peut chacun avoir nos ressentis, les exposer a l’autre et trouver un terrain d’entente mais tout n’est que bataille de point de vue avec Léon. On ne peut pas avoir nos ressenti propre, il faut forcément qu’il y en ai un qui écrase l’autre. J’ai tord dans ce que je ressens, les choses ne se sont pas passées comme ça, si il a été dur c’est à cause de moi et mes comportements irrespectueux.

Vous en avez marre de lire le mot « irrespectueux » ? Imaginez moi qui ai dû l’entendre pendant sept putain d’années.

Lors de nos disputes, il me matraque avec ses mots. Il n’arrête jamais de parler. Il me pousse tellement à bout que j’en viens à lever la voix, et dans ces moments là, il me dit « arrête de gueuler, calme toi ! T’es pas bien de gueuler comme ça.« , « arrête de faire des scènes« , « tu te donnes en spectacle, on est pas dans ta famille ici« , « tais toi on va nous entendre ».

Lorsque je perdais le contrôle et me mettais à crier, il me disait que j’étais folle.

J’ai mis des années post rupture à le comprendre, mais Léon utilisait la technique de manipulation qui se nomme le Gaslighting. Il remettait constamment en doute mes propos, en me faisant croire que j’étais trop sensible. Petit à petit, il semait le doute sur ma perception des choses jusqu’à, plus tard, me faire douter de ma santé mentale.

Il m’attaque sur pleins de petites choses insignifiantes qui s’empilent les unes sur les autres. « Tu parles trop fort », « arrête de gueuler, on est pas dans ta famille italienne là », « t’es trop proche des gens, tu les mets mal à l’aise », « raconte pas ta vie privée, ça regarde personne », « on coupe pas la brioche comme ça », « t’ouvres les bananes dans le mauvais sens », « tu sais pas couper le fromage », « fais pas trainer la couverture par terre, c’est dégueulasse ». Certaines choses qu’il disait étaient vraiment ridicules listées comme ça, mais il me le répétait tellement en boucle qu’elles ont finit par être gravées en moi à tel point que, même après l’avoir quitté, je ne pouvais plus faire certaines actions de ma vie sans penser à ses sermons.

Au fond de moi, je sais que ce que je ressens est valide, mais je suis dans une telle confusion mentale que je n’arrive plus à verbaliser ce que je ressens. Cela lui permet de ne jamais se remettre en question. Il gagne à chaque fois.

Un fossé se creuse entre nous. La passion des débuts laisse place à de la distance émotionnelle, du chagrin, un manque. Nous faisons moins l’amour, il ne m’embrasse plus à part du bout des lèvres. Je n’ai le droit qu’à des smacks et, chose nouvelle, il me dit à chaque fois « tu mouilles » (sous entendu que je bave). Au début, je ris et je lui dis que je ne bave pas. Il insiste. Au fur et à mesure des mois, je commence à douter et m’essuie souvent la bouche. Je commence à avoir honte, à me dire que je ne sais pas embrasser.

À partir de là, après chaque petit baiser du bout des lèvres qu’il me donnera, Léon me dira « tu mouilles« , parfois même en s’essuyant la bouche.

J’ai 19 ans et les hormones qui vont avec, c’est ma première vraie relation et je suis très frustrée. Au début, j’étais tellement folle de lui qu’il n’y avait que lui dans ma tête. Je ne comprenais pas les gens infidèles, je les jugeais et les condamnait. J’ai tout essayé avec Léon pendant deux ans pour rallumer la flamme entre nous, être embrassée, remettre un peu de sensualité mais rien n’y faisait. Au bout d’un moment, je me mets à fantasmer sur des choses simples. Avant de dormir, je me fais un scénario où je rencontre un homme dans un bar, nous discutons, l’alchimie est folle et il m’embrasse avec la langue. Point. Voilà mon fantasme adultère complètement fou de mes 19 ans, qu’un homme m’embrasse avec la langue. Qu’il ait envie de moi.

La frustration ne s’arrête pas là. Je suis malheureuse dans mon couple, je n’arrive pas à communiquer avec lui, mais je ne me vois pas partir pour autant car j’en suis convaincue : Léon est l’homme de ma vie. Nous avons juste des petits problèmes de communication. Après tout, aucun couple n’est parfait. Je ne peux même pas imaginer ma vie autrement. C’est un artiste comme moi, on va faire le tour du monde, faire des films ensemble, on a tout comprit du monde, on est des putain d’étoiles. Toutefois, il m’arrive de me dire que je passe à côté de ma jeunesse. J’ai envie de ressentir quelque chose et je fais une erreur. Je ne suis pas toute blanche dans cette histoire et j’ai mal agit. Fin 2014, je m’inscris sur un site et je mets quelques photos de moi en lingerie sans montrer mon visage. Léon ne me regarde plus comme au début. J’ai envie de savoir si je peux plaire. Je reçois pas mal de compliments d’hommes plus vieux que moi. Tout ça ne parvient pas à combler le manque en moi, leur avis ne m’importent pas, j’y suis insensible. Ca ne compte pas, ce n’est pas réel, moi ce que je voudrais c’est Léon. Ces mecs qui s’imaginent qu’ils ont une chance avec moi m’énervent, me dégoutent même. Je n’ai pas de complexe d’Œdipe, non merci.

On se voit moins avec Léon à cause de la fac. Le reste du temps on à du mal à être connecté comme à nos débuts, je commence à lui en vouloir et me dire que je pourrais vivre un truc à côté pour combler le vide affectif. Dans ma tête à l’époque, tout ça n’a pas d’importance, parce que la personne que j’aime vraiment c’est lui et que je veux faire ma vie avec. C’est comme ça que je commence à discuter avec Bruno, un mec du site. Il a 35 ans, une femme, un gosse et je ne le trouve pas beau du tout. Il est sympa, on discute pas mal, je lui évoque mes doutes, ma peur de passer à côté de mes désirs propres. Au fur et à mesure, on dérive sur le sexe et on commence à avoir une relation sur deux mois à s’envoyer des sextos. Je ne ressens rien pour Bruno, que ce soit sentimentalement ou sexuellement mais il me fait échapper à mon quotidien et je me sens revivre.

Je n’écris pas cette partie de l’histoire pour essayer de me justifier, ce que j’ai fait était mal. J’étais jeune, j’ai fait mes erreurs. Je tenais à le raconter car, Léon n’a pas été le seul à merder dans cette relation mais ça n’enlève en rien la gravité de ses agissements avant et après cet incident.

Deux mois après, je continue d’échanger des messages quotidiennement avec Bruno. Léon et moi sortons de la fac et, sur le parking, nous trouvons un pochon de shit. On le ramène chez lui et nous le fumons le soir. Le shit est dégueulasse et me met mal. Je mets mon téléphone en charge dans le salon (après avoir supprimé ma conversation avec Bruno) et je dis à Léon que je vais me coucher car je commence à bader.

Une heure après, je suis réveillée par Léon en furie. Il tient mon téléphone dans ses mains et il m’hurle « c’est quoi ça ? C’est qui ce mec ? » Mon coeur fait un bond dans ma poitrine. Bruno m’a envoyé « bonne nuit petit coeur ». Mon téléphone ayant vibré, Léon a regardé qui m’avait envoyé un message. Il a fouillé et trouvé des conversations sur Skype. Je ne cherche même pas à mentir, je suis dans la merde. Je me mets à pleurer et essaie de lui expliquer que ce n’est rien, ça ne veut rien dire, je me sentais seule. Léon pète un câble, son visage me terrifie. Je veux le calmer, qu’on discute au moins ensemble mais il me hurle de ne pas m’approcher de lui. Il garde mon téléphone en main et me crie qu’il va appeler le mec. Mes pleurs redouble et je lui demande de le laisser tranquille, il a une femme et un enfant, après tout ce sont mes conneries. C’est à moi qu’il faut s’en prendre. Je me lève pour reprendre mon téléphone mais Léon m’en empêche, me pousse et m’enferme à clé dans la chambre. Je suis choquée, en pleurs, je lui hurle de m’ouvrir. Je le supplie.

Léon me dit « toi tu restes là » et il quitte l’appartement. Je ne sais plus exactement ce qu’il s’est passé ensuite et combien de temps j’ai attendu, enfermée dans cette pièce. Peut-être trente ou quarante minutes. Quand il est rentré, il m’a demandé de couper les ponts avec Bruno et qu’il ne voulait plus jamais qu’on en parle. J’ai acquiescé et nous avons dormi dans des lits séparés. Le lendemain matin, Léon est venu se mettre derrière moi, il m’a pénétré sans préservatif et a joui en moi. Quand je suis rentrée chez mes parents, je suis aller prendre la pilule du lendemain.

Pourquoi je suis restée après tout ça ? Pour les mêmes raison qu’une femme battue reste, j’imagine. La culpabilité, le sentiment d’avoir merdé, que tout était de ma faute, que je ne valais rien, que je ne trouverai jamais quelqu’un d’autre, que je n’étais rien sans lui.

Chez mes parents, la situation était encore plus merdique qu’avec Léon. Il était ma seule bouée de sauvetage, la personne qui m’offrait un amour inconditionnel.

Au fond, je me disais que Léon n’était pas mauvais. C’était juste un mec qui avait vécu des trucs durs. Je pensais qu’il était l’homme le plus pur du monde et que je n’étais pas assez bien pour lui.

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